Le 16 juin 2023 eut lieu, en point d’orgue et apothéose de la saison de l’Opéra Underground, une de ces soirées en état de grâce dont la force d’éblouissement s’imprime durablement dans les esprits. Un “cabinet de curiosités lyrique, ludique et spirituel” dont seul le saxophoniste Raphaël Imbert – grand animateur de troupes musicales non alignées, orchestrateur de désirs majuscules et passeur de beautés inouïes – semble détenir le secret de fabrication. Ce soir-là, donc, autour de lui et avec lui, le violoncelle de Jean-Guihen Queyras, le piano complice de Pierre-François Blanchard, la pulse profonde du batteur Sonny Troupé, la contrebasse agile de Léna Aubert, les voix divines de Celia Kameni et Hugh Coltman et les cordes pleines d’allant du jeune Quatuor Momentum donnèrent à la grande salle de l’Opéra des allures de fête poétique improvisée et fervente. Il nous fallut quelque temps pour redescendre de ce nuage-là, et il est même fort possible que la partie la plus rêveuse de nous-mêmes y soit toujours solidement perché. Un an plus tard, presque jour pour jour, ce sorcier du son, qui n’aime rien tant qu’à inventer de belles rencontres et à provoquer d’autres moments vifs, invite à nouveau quelques âmes amies à le rejoindre. En appelant à l'esprit des Joni Mitchell, Henry Purcell, Nina Simone et consorts, Raphaël Imbert et sa Compagnie Nine Spirit remettent donc en jeu l’idée d’un cabinet de curiosités composé d'autant de créations que de souvenirs, de trésors cachés que de pépites insoupçonnables. Avec, pour ultime idéal poétique, le désir d’inviter les spectateurs à un double bonheur : celui d'être ensemble mais aussi de traverser une soirée en libre cours – c’est-à-dire, comme l’appelait jadis de ses vœux l’écrivain Georges Perec dans une émission intitulée 50 choses à faire avant de mourir, à “vivre une expérience hors du temps”. Loin du tic-tac des horloges et des sinistres logiques de séparation, l’expérience rendue possible d’un nouveau rêve éveillé, sans nul doute !