Rome plutôt que vous (2006, 111 min)
Durant plus de dix ans, l’Algérie a vécu une guerre lente, une guerre sans ligne de front mais ayant causé plus de 100 000 morts. C’est ce désert que Zina et Kamel – deux jeunes Algérois tantôt hallucinés et joyeux, tantôt abattus et sereins – voudront sillonner une dernière fois avant de le quitter.

“Empruntant son titre à un chant de supporters de football algérois dans lequel le "vous" désigne la société algérienne et "Rome" son extérieur, le premier long métrage de Tariq Teguia raconte l'itinérance, dans le quartier périphérique de La Madrague, de Zina et Kamel, en quête d'un "marchand d'espoir" qui pourrait les aider à quitter le territoire. Tourné comme un "road-movie au ralenti" dans une banlieue lointaine minée par une guerre souterraine – l'action se situe pendant la "décennie noire" – Rome plutôt que vous est une fiction cartographique puissante et sombre trouée d'éclats documentaires qui résonnent avec le désir d'émancipation politique exprimé avec force, aujourd'hui, par la jeunesse algérienne.”
Emmanuel Chicon
Programmateur à Visions du Réel, membre du collectif Sans Canal Fixe (Tours)

Tariq Teguia : liberté, politique et poétique du territoire
Tariq Teguia a incontestablement marqué le paysage cinématographique contemporain de ces quinze dernières années. Toute une génération de jeunes réalisateurs, inspirés par son cinéma, peut en témoigner. Loin des clichés orientalistes, son œuvre, en forme de triptyque, sonde le passé d’une Algérie anxieuse, et plus particulièrement celui de la décennie noire, pour mieux nous renvoyer aux impasses du présent. Les repères temporels se brouillent, nos certitudes vacillent. Car, dans ce pays figé autour d’un récit national officiel qui ne convainc plus personne, et surtout pas la nouvelle génération, se réapproprier une histoire et un avenir confisqués ne sont jamais que les deux faces d’une même pièce. Tout en réconciliant poétique et politique, Tariq Teguia explore les marges de l’Algérie. Nous découvrons alors un nouveau territoire cinématographique que n’auraient pas désavoué Antonioni ni Godard.
Au cours de deux soirées, animées par Noria Haddadi du Réseau Traces, l’Opéra Underground vous propose de r(e)découvrir les deux premiers longs métrages de Tariq Teguia.