Célébré par l’Opéra Underground lors d’une mémorable soirée en grande salle, Louis Thomas Hardin, alias Moondog (1916-1999), reste l’une des figures les plus singulières de l’aventure artistique étatsunienne : une version unique du melting-pot américain, à la fois désarmante de simplicité et d’une rigueur sans failles, annonciatrice de la grande vague minimaliste tout en puisant aux sources sûres du classicisme européen, et notamment du contrepoint. C’est autour d’un quatuor à cordes inédit de ce génial outsider, déniché par son biographe français Amaury Cornut, que le Quatuor Béla a construit ce programme alléchant, dédié à l’Amérique des marges, des grands pionniers, des espaces vierges.
Loin des modèles de réussite conformistes, Good Road to Follow rappelle à bon escient que le rêve américain est aussi celui d’un imaginaire collectif foisonnant, où l’épure intransigeante d’un Morton Feldman côtoie les incartades d’un Zappa et d’un Zorn, où l’esprit d’invention artisanal d’un Harry Partch voisine les fulgurances modernistes d’une Ruth Crawford Seeger. Autant de rêves fous, joyeux, radicaux et profonds, qui pourraient bien avoir la vertu de réveiller les nôtres…