Familier de l'Opéra Underground, c'est comme écrivain que Bertrand Belin revient à l'Amphi pour échanger autour de son dernier ouvrage, "La Figure", paru aux éditions P.O.L. Le narrateur, adulte, y raconte de quelle manière il a refusé, petit enfant, d’entrer dans le nouvel appartement familial. Il a choisi de vivre en bas, dehors. De son poste de résistance aux violences domestiques, dans un espace bien à lui délimité par un buisson et une volée de marches, il observe la famille. Il voit tout, entend tout. Et personne ne le voit. La Figure l’accompagne.
Avec la délicatesse qu'induit l'humour, Bertrand Belin mêle oralité et travail d'écriture minutieux, écartelant le genre du récit, de l'autofiction, diffractant vraisemblance et chronologie pour tenter d’énoncer l’indicible. C’est en se détachant de tout réalisme biographique qu’il parvient, avec verve, et son sens unique de l’image, à recomposer une part de soi, à faire advenir la parole empêchée. “Me taire, ne rien dire, j’ai déjà essayé. Ce n’est pas tenable.”
“La Figure” fait œuvre de résistance au silence, sans pathos ni posture, avec une joie gouailleuse de qui dévore la vie, évite tous les écueils des récits de transfuge et de victimes : à l'œuvre protéiforme de l’auteur-compositeur-interprète, il ajoute une pièce des plus singulières.
Modération : Marguerite Martin (Terre des Livres) et Richard Robert (Opéra Underground).