Frederic Mompou (1893-1987), ou la tentation de l'effacement. On pense aux images du compositeur, impassible et droit derrière son piano, laissant place à une musique au jeu intense et habité. L'effacement, aussi, de tout ce qui pourrait entraver la spontanéité et l'intériorité de ce qui est joué : l'extension de la mesure, le choix de la mélodie simple et enfantine, de la résonance plutôt que de la profusion, le sens aigu du silence et de la phrase suspendue.
Comme suspension du temps, le silence de la photographie semble naturel pour évoquer le compositeur de la Musica Callada, la “musique qui se tait” pour nous emmener vers l'ailleurs indicible de la mémoire et des souvenirs enfouis, des paradis perdus de l'enfance, des couleurs harmoniques mystérieuses et des dissonances métalliques.
Dans Les battements du silence, Olivier Longre crée un dialogue entre Mompou et les images d'une Barcelone contemporaine, au tourisme perpétuel et aux quartiers engloutis par les grands travaux des années 90. Retrouvant les rues familières du compositeur, les lieux d'errances, les jardins de l'enfance, un appartement et quelques infimes manuscrits, il met en résonance ces vestiges avec les propres mots du compositeur, non pas pour tenter de résoudre l'énigme d'une musique insondable, mais pour rendre hommage à une justesse essentielle.