Dans l’histoire de la pop, le parcours de l’Anglais Mark Hollis (1955-2019) a quelque chose d’un conte irréel. Voilà un homme qui, étape par étape, a poursuivi jusqu’à l’obsession deux grands idéaux : se hisser à la plus souveraine des solitudes, et atteindre le plus musical des silences. Et le plus beau, le plus inouï, c’est qu’il y est parvenu. D’abord avec Talk Talk, groupe phare des années 80 qu’il a conduit des sommets surexposés du succès (les tubes mondiaux It’s my Life ou Such a Shame) jusqu’aux territoires encore vierges d’un rock totalement déformaté. Puis avec son album solo (1998), saisissante épure qui aura aussi été – très volontairement – son ultime signal envoyé au monde des hommes. Amoureux de cette figure libre et de son écriture hors ligne, le pianiste et multi-instrumentiste Boris Boublil a conçu un hommage à son image, audacieux et sensible. Pour en convoquer l’esprit et en revisiter le répertoire, il aurait pu choisir l’option du solo minimaliste : il a au contraire opté pour un collectif à la palette de timbres subtilement expressive. Dans Mù, magnifique assemblée d’évadés du rock, du jazz et de la chanson, on retrouve notamment le batteur Sacha Toorop, grand comparse de Dominique A, les soufflants obliques de Robin Fincker et Antoine Berjeaut, ou encore la chanteuse Lonny, porte-voix idéale des mots et des visions de Hollis. Pour célébrer cette sublime œuvre d’île déserte, on ne pouvait rêver mieux que cet archipel humain, sonore et poétique, flottant au large des terres musicales trop balisées.

Pour des raisons indépendantes de notre volonté, le musicien John Parish, initialement prévu dans la distribution de ce programme, ne pourra être présent à ce concert.