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Watchdog fait chanter des animaux qui n’existent pas à l’Opéra.

Le collectif Pince-Oreilles rassemble depuis dix ans une vingtaine de groupes autour des musiques jazz et improvisées de la région. C’est au sein de cette famille de virtuoses inclassables qu’est né Watchdog. Une rencontre entre deux musiciens, la claviériste Anne Quillier et le clarinettiste Pierre Horckmans.

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Le collectif Pince-Oreilles rassemble depuis dix ans une vingtaine de groupes autour des musiques jazz et improvisées de la région. C’est au sein de cette famille de virtuoses inclassables qu’est né Watchdog. Une rencontre entre deux musiciens, la claviériste Anne Quillier et le clarinettiste Pierre Horckmans. Une rencontre également entre des instruments : Un rhodes ; un moog, des octavers et des effets sur les clarinettes. Watchdog, c’est un son mécanique envoûtant, la bande-son d’un univers mystique qui frôle le jazz et les musiques contemporaines. Dans ce monde abstrait, les animaux n’existent pas. Mais ils s’expriment probablement grâce à la voix de la comédienne Maud Chapoutier, invitée sur leur nouvel album qu’ils joueront en avant-première ce vendredi à l’Opéra Underground.

Les animaux qui n’existent pas… dès la première lecture du nouveau projet de Watchdog, une question nous vient à l’esprit : Qui sont ces animaux ? On a rencontré Pierre Horckmans, à la clarinette et clarinette basse dans le groupe, afin d’être préparé à ce voyage onirique hors du commun.

On parle de Watchdog comme un groupe hors des sentiers battus, que ce soit en musique ou même dans votre histoire. Vous vous êtes formés après un ras le bol de jouer sur des mauvais pianos ?
(Rires) Oui ! Au départ, tout est né de notre rencontre au conservatoire de Chambéry. C’est à cette période qu’on a créé le collectif Pince-Oreilles. Anne a sorti son projet de sextet que j’ai intégré.
On a ensuite monté le trio Blast. Dans la foulée, on a voulu lancer un duo acoustique avec Anne. Juste le piano et la clarinette et clarinette basse, sauf qu’on s’est vite retrouvés à jouer sur des pianos de mauvaises qualités ou parfois il manquait même le piano…
On a donc économisé et nous nous sommes équipés du fameux Rhodes ! Puis d’un Moog aussi.
Et j’ai ajouté des pédales d’effets, des fuzz, etc… J’ai pu commencer à dénaturer le son des clarinettes. Ce mélange des sons et des timbres, ce brouillage des pistes, ça a débouché sur Watchdog.

Pourquoi Watchdog ?
Quand tu observes les systèmes automatisés. Un watchdog est une machine qui surveille une autre machine dans des chaînes de productions entre autres.
Cette notion nous a amusés car notre duo est quelque chose d’exposé, dans lequel on doit être connecté à l’autre. Dès que l’un part sur une idée, l’autre réagit en conséquence, même dans l’improvisation. Il y a une réelle similitude entre les watchdogs mécaniques et notre musique.

Comment faire le lien entre vos influences pop, jazz, et contemporaines avec l’impro et ce système mécanique que vous avez cité ?
L’idée principale, c’est la spontanéité. C’est ce qui nous guide, c’est l’improvisation.
On a bien évidemment un travail d’écriture précis. Mais ce chemin qu’on crée, on aime s’y perdre en y amenant l’impro. On adore quand les gens sont perdus dans nos concerts, ils ne savent plus qui joue quoi, ils sont simplement bercés par l’atmosphère qu’on crée sur le moment.

Ce nouveau projet « Les Animaux qui n’existent pas », semble être une suite logique à votre album instrumental « Can of Worms », avec cette fois-ci des mots en plus, par la présence de Maud Chapoutier ?
Oui tout à fait. C’est un coup de cœur avec Maud Chapoutier, on a décidé de réunir notre univers avec le sien pour composer ensemble ce nouveau répertoire. Une nouvelle grille de lecture pour nous qui est le texte.
Ce concept est né pendant un de nos concerts du précédent album. Quelques jours après, Maud nous envoie un cadeau, c’était un texte qu’elle avait écrit en s’inspirant d’un de nos morceaux qu’on avait joué ce soir-là. Et deux ans plus tard, on se retrouve à jouer avec elle.

Maud déclame et chante. Les instrumentations sont contrastées entre impro, nappes, effets. Ce monde dans lequel vous voulez nous emmener est-il inspiré de nos réalités actuelles ?
Les Animaux qui n’existent pas, c’est un bestiaire énigmatique. C’est notre propre perception du monde. A travers ce projet, on aborde beaucoup l’être humain dans son intimité et dans ses sentiments. Cela peut se traduire aussi par une multitude de paysages difficiles à décrire.
C’est quelque chose qui nous dépasse. Tu vois, ce côté abstrait permet aux auditeurs d’imaginer ce qu’ils veulent. C’est aussi un moyen de mettre sa réflexion de côté et de se laisser guider par les émotions suscitées par nos musiques.

Jouer cette musique dans l’Opéra Underground est donc le cadre idéal ?
Oui, on remercie Olivier Conan, il nous a beaucoup aidés sur cette création. On a eu la chance de faire une résidence dans l’amphi pour perfectionner la lumière avec Benjamin Thielland. Et aussi le son. Notamment par la présence d’un quatrième musicien, il n’est pas sur scène mais son implication est essentielle. Il s’agit de Adrian Bourget, sa vision artistique et son savoir-faire ont apporté un travail intéressant sur la spatialisation et le traitement des effets en direct.

Beaucoup d’effets, de travail des textures et une forte influence des sonorités des sixties et des seventies ?
Nous sommes très attachés à cette période, on a été biberonné à ces musiques. Et surtout, on n’arrive pas à se séparer du Rhodes. Cet instrument a un son unique, qu’aucun clavier numérique n’arrive à égaler. On a travaillé sur des systèmes analogiques comme à l’époque, ça donne un traitement sonore particulier qui dégage une émotion et un son qui nous inspire.

Si les animaux qui n’existent pas pouvaient être des musiciens ? Beaucoup de monde ! (rires) Déjà tous les artistes qui nous ont touchés.
Des compositeurs de musiques minimalistes qui nous ont influencés, comme Arvo Pärt dont on est grands fans. Il y a aussi Ronin, les copains du collectif Pince-Oreilles, ceux de Dur et Doux et notamment Chromb qu’on adore !
On est finalement des musiciens omnivores, on s’intéresse de près aux musiques qui nous inspirent sans s’inscrire dans un courant musical précis.

On a pu voir la vidéo du titre « Il y a longtemps que nous marchons », ça ressemble à une bande son d’un voyage musical mystérieux avec beaucoup de messages, pouvez-vous nous en dire plus ?
Il y a cette énorme liste déclamée par Maud sur sa perception du monde.
Je transpose cette accumulation de mots en musique en ajoutant de nombreux effets très progressifs.
Lors de cette litanie, la musique commence par un solo de clarinette basse qui débouche sur un thème qui se fera happé par l’improvisation. A la fin, on se fait tous avaler par notre propre univers, on devient submergés par le son. Ce constat est un témoignage de l’univers qui nous entoure avec ses aspects lumineux et sombres.

Face à cette pression, on peut se protéger, ce sont les conseils de Maud au sein du titre Meubles Cage?
Voilà, c’est cette mini forteresse intime qu’on se construit pour se protéger des choses néfastes qui nous entourent. Mais en même temps, on est dans une sorte de cage, donc il faut se méfier de cette
construction intérieure pour ne pas s’y enfermer.
Musicalement, on a fait quelque chose de léger et joyeux avec des timbres inquiétants. Ce contraste nous plaît ! J’aime particulièrement ce genre de structure atypique.
Bon, cette « cage » c’est aussi un refuge, un repos intérieur pour aborder le monde.
Pour résumer, c’est un texte qui est influencé par l’écrivain belge Henri Michaux joué sur une musique hybride mêlant jazz et hip-hop.
L’essence même de Watchdog, un thème lyrique et puissant sur une tourne mécanique improvisée.

Ce refuge peut-il être l’Opéra ce vendredi ?
Complètement ! En tout cas, on se sent bien dans ce lieu quand on y joue. Ce sera parfait pour transmettre des émotions vendredi.

Des émotions et faire danser également ? On retrouve un côté adapté au dance-floor dans ce projet.
Oui c’est vrai. A l’origine, on devait travailler avec un danseur acrobate, malheureusement il s’est blessé et ça n’a pas pu aboutir pour cette fois. Cependant, l’énergie qu’il a amenée est restée dans nos aspects du live.

Si vous pouviez ressusciter un musicien pour l’inviter à jouer dans ce projet vendredi ?
Eric Dolphy ! Une de mes plus grandes inspirations.
J’aimerais bien aussi des compositeurs de la renaissance comme Robert White ou Da Palestrina. Ils étaient visionnaires.

Un conseil pour se préparer au voyage dans lequel vous allez nous emmener ?
Les temps sont durs en ce moment, débranchez votre cerveau et laissez-vous guider.
C’est le mieux à faire pour entrer dans notre univers.

Par Mathieu Girod.

Watchdog
17 janv. 2020
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